Dès que la campagne agricole éternue, des pans entiers de l’économie attrapent la grippe
Près de 60 millions de quintaux de céréales devraient être importés pour couvrir les besoins du marché jusqu’en mai 2008
La Chambre Française de Commerce et d’Industrie du Maroc (CFCIM) vient de rendre public la toute dernière édition de son bulletin d’information « Conjoncture » dans le quel elle traite d’un sujet important à savoir l’agriculture.
Le secteur marocain de l’agriculture pèse de tout son poids sur la dynamique de croissance économique. Dès que la campagne agricole éternue, des pans entiers de l’économie se grippent. C’est que, comme le souligne à juste titre d’ailleurs le dernier rapport du Haut commissariat au plan (HCP) sur la prospective agricole du Maroc pour les vingt-trois prochaines années rendu public en mai dernier, « l’agriculture est placée au carrefour de problématiques et enjeux essentiels ». Les enjeux sont énormes et sont d’ordre économique, d’autosuffisance alimentaire, social, de développement du territoire et des échanges avec l’extérieur. Ils mettent en évidence la multi- fonctionnalité du secteur car ils conditionnent le cours de l’économie marocaine dans son ensemble et qui reste toujours étroitement lié à celui des campagnes agricoles en général et céréalières en particulier.
Conséquence : cette année encore, le pays ne pouvait échapper aux importations de céréales vu que la campagne s’est avérée catastrophique. Ce sont, poursuit la CFCIM, près de 60 millions de quintaux qui devraient être acheminés de l’étranger pour couvrir les besoins du marché jusqu’en mai 2008. Et la même source d’ajouter que le manque de pluie a été tel que la production a enregistré une chute de près de 77%. Ainsi, et après les 88,6 millions de quintaux produits pour la campagne 2005/2006 (ce niveau de production n’avait été dépassé que deux fois dans l’histoire de l’agriculture marocaine), le score est passé à 20,4 millions cette année, soit la récolte la plus maigre depuis plus de 20 ans. Pourtant, la moitié des superficies arables au Maroc sont consacrées à la céréaliculture. Or, une faible productivité ajoutée à une irrégularité des récoltes continuent d’être les deux principales contraintes du secteur céréalier.
Un autre pont soulevé est qu’aujourd’hui, même si la production a été quasiment multipliée par trois en 50 ans, les variations inter- annuelles restent énormes, oscillant entre 20 et près de 90 millions de quintaux.
Mais, dans les faits, cette augmentation de la production est essentiellement due à la hausse des surfaces cultivées, car le rendement moyen a très peu évolué : 19 quintaux par hectare dans les années 2000 contre15,5 quintaux par hectare dans les années 1980.
Dans le même sillage, la CFCIM note que ce sont plusieurs branches de l’agriculture marocaine qui restent structurellement déficitaires en produits de base, comme celle de la filière des plantes sucrières. Celle- ci ne couvre que 45% des besoins !
La consommation de sucre au Maroc s’élève à 1.070.000 tonnes par an, soit environ 90.000 tonnes par mois. Elle est seulement assurée à hauteur de 45 % par la transformation de la matière première locale (betterave sucrière et canne à sucre) via 80.000 familles d’agriculteurs.
Récemment, l’unique industriel du secteur, le groupe Cosumar vient de signer un contrat-programme avec ces derniers pour atteindre les standards européens, soit 10 à 12 tonnes de sucre à l’hectare. Rappelons que ce contrat-programme vise surtout l’augmentation de la part de la production locale pour la porter à 55% à l’horizon 2012.
D’une manière générale, le taux d’autosuffisance ne s’élève en moyenne qu’à 30 à 75 % pour les céréales et entre 45 et 50 % pour le sucre. Percée des primeurs et des agrumes
Il ressort aussi du bulletin d’information « Conjoncture » que la situation des produits de base comme les céréales et le sucre contraste avec les exportations de primeurs et d’agrumes qui continuent leur percée. Chiffres à l’appui. Au cours de ces cinq dernières années, les campagnes agricoles se suivent et se ressemblent pour le grand bonheur des professionnels de ces deux filières. D’environ 400.000 tonnes en 2002/2003, les exportations de primeurs sont passées à 500.000 l’année suivante et à 573.500 en 2005/2006, avant d’atteindre le record de 650.000 tonnes à l’issue de la campagne passée.
Quant aux agrumes, les exportations ont démarré en octobre 2006, pour atteindre 580.000 tonnes, après 540.000 en 2005-2006. Ce niveau n’a également d’ailleurs pas été atteint depuis huit ans.
De la même source, la répartition géographique révèle que le Maroc s’est bien positionné sur les marchés nord-américains (USA et Canada) et russe. En revanche, sur les marchés de l’Union européenne, la part des clémentines marocaines est en baisse en raison de la forte concurrence de l’Espagne, de l’Italie et de la Grèce. Pour les pays du Golfe, c’est l’Egypte, la Jordanie et la Turquie qui font concurrence.
En somme, la CFCIM conclut que la croissance économique dépend de l’état de santé de l’agriculture. Chiffres à l’appui, l’agriculture participe à hauteur de 15 % du PIB et 10,5% des exportations. Elle assure également des emplois pour 46% du total des actifs marocains. Mais elle accuse une stagnation au cours des vingt dernières années. Il est pratiquement alors impossible au Maroc de concevoir une croissance économique installée dans la durée sans une bonne campagne agricole. D’où la nécessité aujourd’hui de réduire le poids de l’agriculture dans le PIB tout en la modernisant.
Quatre axes majeurs composent cette nouvelle stratégie (modernisation) qui devrait moderniser le secteur, selon la CFCIM citant le ministère de l’Agriculture. Mais un parmi eux constitue une priorité. Il s’agit du remembrement des terres. Aux yeux des pouvoirs publics, poursuit la même source, si on procède à un regroupement des terres, l’agriculture serait plus apte à se moderniser, notamment par le renforcement de la mécanisation. Pour autant, ce chantier reste un casse-tête, souligne la CFCIM. Pour elle, ce premier grand volet de la réforme conditionne le reste de la stratégie surtout le deuxième axe qui est relatif à la reconversion de la céréaliculture.
L’ambitieux plan arboricole lancé en 2005 et qui vise à porter la super. cie en oliveraies de 600.000 hectares à 1000.000 ha s’inscrit en fait dans cet objectif. Il devrait aboutir à la reconversion annuelle de 32.000 ha en arboriculture de terroirs (agrumes, palmiers, arganiers, . guiers de barbarie, jujubiers, caroubiers… et autres cultures safran, rosier, câprier… ) et 20.000 autres en arbustes fourragers. Mais, seuls 5.000 à 7.000 hectares sont plantés par an jusqu’à présent.
Les pouvoirs publics comptent tout de même accélérer ce processus qui devrait permettre de reconvertir des terres qui ne sont plus valables pour la céréaliculture en oliveraies.
Le troisième axe de la nouvelle stratégie qui concerne la mécanisation, constitue la troisième composante, car le Maroc enregistre encore un taux de mécanisation très faible en dépit des subventions pour la mécanisation atteignant les 40%.
Le quatrième axe en question est la gestion de l’eau. Il consistera, entre autres, à encourager des cultures moins consommatrices d’eau.
Cet axe comprend d’ailleurs l’encouragement à la micro-irrigation. L’Etat s’est dit prêt à prendre jusqu’à l’intégralité du coût d’équipement des exploitations en micro-irrigation. En effet, l’irrigation localisée reste peu utilisée par l’agriculture marocaine en raison de ses coûts élevés. Sur les 8,7 millions d’hectares de Surface agricole utile (SAU), seules 14,3 % sont irriguées.
Source: lopinion,maroc