La vallée de Bagré, dans le sud-est du Burkina Faso, était déjà célèbre pour le riz local qui y est produit quand, en 2006, des chercheurs y ont introduit le ’New Rice for Africa’ (NERICA), immédiatement adopté par la plupart des producteurs.
"Les producteurs de Bagré commencent de plus en plus à cultiver le NERICA parce qu’au rendement, il est meilleur que les autres variétés de riz. De plus, il est très nourrissant", déclare Ernest Yoda, président de l’Union des groupements de producteurs de riz de Bagré (UGPRB) qui compte actuellement 1.630 membres.
Ce nouveau riz, issu du croisement d’un riz asiatique et d’un riz africain, donne en moyenne sept tonnes à l’hectare contre quatre à cinq tonnes pour les autres variétés, précise Yoda.
Bagré est une immense vallée irriguée qui dépend du barrage du même nom, érigé en 1994, sur le fleuve Nakambé grâce à la coopération taïwanaise.
Environ 600 hectares de terres sur la rive gauche du Nakambé, 1.000 hectares sur la rive droite, sont irriguées et mises à la disposition des producteurs de riz depuis 1996 par la Maîtrise d’ouvrage de Bagré, l’autorité qui gère le barrage de Bagré. Depuis lors, Bagré est devenu une localité célèbre pour son riz.
"Les gens mettent d’autres riz dans des sacs de riz de Bagré, et les vendent sur le marché comme étant du riz (local) de Bagré", raconte Yoda à IPS, pour signifier que "le riz de Bagré est un riz de bonne qualité, adopté par toute la population du Burkina Faso".
Ils en étaient là quand, en 2006, les gens de Bagré découvrent le NERICA, et se mettent à le cultiver progressivement. En 2008, soit deux ans après son introduction à Bagré, le NERICA est déjà cultivé par un grand nombre de producteurs de la localité, selon Yoda.
"Nous, producteurs, sommes contents du NERICA. Presque tous les producteurs de Bagré ont déjà expérimenté le NERICA et nous sommes satisfaits du résultat", affirme Zacané Mahamoudou, producteur de riz à Bagré.
Ceci explique la forte demande de semences de NERICA. "La demande en semences de NERICA ne fait qu’augmenter chaque année. En cette première saison de 2008, nous les semenciers de Bagré avons produit environ 24 tonnes de semences", confie à IPS, Gouba Bomini, président de l’association des semenciers de Bagré.
A raison de 45 kilogrammes de semences pour emblaver une superficie d’un hectare de riz, explique-t-il avec IPS, on peut dire que les producteurs de Bagré ont cultivé, pour la première saison de 2008, environ 533 hectares de NERICA.
Au regard du rendement moyen du NERICA qui est de sept tonnes à l’hectare, les producteurs peuvent récolter mieux s’ils ont utilisé les engrais spécifiques. Ils peuvent espérer, pour la première récolte de 2008 — ils en font deux par an — un rendement minimum de 3.731 tonnes de NERICA. Une saison peut durer environ six mois, mais quatre mois suffisent à cette variété pour mûrir.
Le NERICA se vend sur le marché entre 250 et 300 francs CFA le kilo (entre 0,5 et 0,7 dollar environ) tout comme le riz importé. Pour un hectare de NERICA cultivé, Kabiné Dassoumané, un producteur de Bagré affirme qu’il gagne un "bénéfice net d’environ 200.000 FCFA" (environ 476 dollars).
"A ce rythme, le Burkina Faso sera autosuffisant en riz d’ici à la fin 2009", affirme Dr Zacharie Segda, un pédologue agro-économiste en service à l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA).
Le Burkina "importe chaque année environ 300.000 tonnes de riz pour sa consommation locale pour une dépense chiffrée à quelque 40 milliards FCFA" (environ 95,2 millions de dollars), a indiqué Segda, ajoutant : "Un milliard (2,3 millions de dollars) seulement de cette somme suffirait pour développer le NERICA et donner au Burkina son autosuffisance en riz".
L’Etat burkinabé prévoit de porter les superficies irriguées, grâce au barrage de Bagré, à 30.000 hectares, les étendant jusqu’à la frontière avec le Ghana, au sud du pays, explique Segda.
Toutefois, le NERICA produit à Bagré est une variété des bas-fonds, différente de celle qui se cultive dans d’autres pays voisins du Burkina Faso, en Afrique de l’ouest. Par exemple au Bénin, le NERICA a enthousiasmé les producteurs parce que la variété qui leur est proposée n’a pas besoin de bas-fonds pour pousser. Elle peut se cultiver sur une terre ferme arrosée par la pluie, comme le maïs.
Les difficultés de la filière du riz, selon Segda, c’est qu’elle "n’est pas encore très bien organisée comme la filière du coton, par exemple". Les producteurs ne disposent pas d’engrais spécifiques au NERICA et la filière ne bénéficie pas encore de toute l’attention requise de la part de l’Etat burkinabé.
Le gouvernement burkinabé a affecté en 2008, par exemple, environ 15,4 millions de dollars au secteur du coton, et presque rien au NERICA, déplore Segda.
En outre, la plupart des producteurs travaillent encore à la main et les pieds nus dans les rizières. "Seuls les plus fortunés d’entre nous travaillent à la charrue et portent des bottes", se plaint Mahamoudou. "Et quand la maladie arrive, on dit que c’est Dieu qui l’envoie ; on ne pense pas que c’est la rizière qui nous rend malades", ironise-t-il.
Et pourtant, les résultats obtenus à Bagré ont déjà convaincu des institutions internationales qui comptent utiliser les réalisations de Bagré pour plaider pour une meilleure assistance à l’Afrique, notamment au cours de la prochaine conférence des chefs d’Etat d’Afrique et du Japon, prévue à Yokohama, au Japon, vers la fin de mai prochain.
"Ce que j’ai vu ici à Bagré est très impressionnant. Cela s’inscrit parfaitement dans cette perspective d’une Afrique qui gagne, une Afrique qui donne des résultats et qui montre qu’elle est en marche", se réjouit Nicholas Gouede, spécialiste de programme auprès de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD).
Michée Boko
Inter Press Service (Johannesburg)
Source: lefaso